Saint-Valentin mortelle

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Valentin détestait la fête qui portait son nom. Comme chaque année, il errait dans les magasins, telle une âme en peine, à la recherche d’un cadeau qui pourrait redynamiser son couple défaillant. Un livre ? Trop intello. Un article ménager ? Sexiste. Des accessoires coquins ? Ils prendraient la poussière au fond du placard avant même d’être utilisés. Finalement Valentin opta, comme chaque année, pour une boîte de chocolat et un bouquet de roses. Classique. Sans surprise, qu’elle soit bonne ou mauvaise.

A côté du rayon chocolat, Valentin tomba sur l’étalage de Blurp. La nouvelle boisson à la mode, vantée dans toutes les publicités. « Faible en calories, mais favorisant les coquineries », affirmait l’affiche rose bonbon, placardée bien en évidence pour la fête des amoureux. Valentin haussa les épaules en se disant « pourquoi pas ».

Il ramena à la maison sa boîte de chocolat, son bouquet de roses, et son pack de Blurp. Elise regardait son émission préférée, affalée dans le canapé. Sa manière à elle de décompresser après une journée extrêmement éprouvante. Elle ne tourna même pas le regard vers lui.

– Tu rentres tard, mon chéri.

– Je cherchais ton cadeau de Saint-Valentin, ma douce.

– Ah. Moi je n’ai rien à t’offrir, j’ai complètement oublié. Tu peux déposer le bouquet dans le vase et les chocolats dans le réfrigérateur.

Valentin obtempéra. Quand une publicité pour le Blurp vint interrompre l’émission d’Elise, le jeune homme profita de l’occasion pour sortir deux canettes de la boisson « miracle ». Elise le traita de « victime marketing ». Curieuse malgré tout, elle goûta. « C’est plutôt bon, il faut bien l’avouer. »

La soirée passa, feuilleton après feuilleton. Chacun était assis dans sa partie du fauteuil, sans un mot. Une canette de Blurp se vida. Puis deux. Puis trois. Les deux amoureux se rapprochèrent, puis s’embrassèrent. Valentin retira le haut d’Elise. Elle se laissa faire. Pour la première fois depuis très longtemps. Elle se sentait si bien, si détendue. Elle avait envie de profiter de cette Saint-Valentin.

Ils firent l’amour avec passion, mais sans brusquerie. Le vieux canapé grinça, écrasant les canettes de Blurp vides, qui résonnèrent comme un ricanement métallique. Mais ils n’y prêtèrent pas attention. Ils étaient bien. Vraiment bien. Mieux que ce qu’ils n’avaient jamais été.

Ils atteignirent l’orgasme en même temps. Essoufflés, ils s’allongèrent l’un contre l’autre. « Et si on allait se promener, main dans la main, en pleine nuit, comme à nos débuts ? » murmura Elise à l’oreille de son Valentin.

Il commençait à neiger, mais ils n’avaient pas froid. Ils sortirent sans manteaux, en laissant la porte de la maison grande ouverte. Ils traversèrent quelques champs, en regardant les étoiles, sans se parler. Ils n’en avaient pas besoin, ils étaient simplement heureux d’être là.

Puis Valentin trébucha sur un rebord métallique. Elise le rattrapa juste avant qu’il tombe. Elle sourit, se blottit contre lui et l’embrassa à nouveau. « Ne bouge plus » lui glissa-t-elle à l’oreille.

Les réflexes émoussés de Valentin voulurent le prévenir d’un danger. Mais c’était trop flou, trop diffus. Il chassa le pressentiment de son esprit. Deux lumières très vives trouèrent brutalement l’obscurité. Un bruit strident retentit. Une fois. Deux fois. Trois fois. Avec de plus en plus d’insistance.

Mais les deux amants ne bougèrent pas. Ils regardèrent les lumières approcher à toute vitesse sur la voie ferrée. « Regarde mon chéri. C’est l’accomplissement de notre amour ».

Et ils fusionnèrent dans un nuage écarlate.

Couleur de l’amour.

De la passion.

Et du sang.

Author: J. Duhoux

2018-04-01T16:13:10+00:00

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